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Présentation de Nolwenn Huyart (psychanalyste)
Nolwenn Huyart est une amie de longue date, et exerce le métier de psychanalyste.
Longtemps établie en Haute-Savoie, elle est désormais installée en Côte d’Armor, ses terres natales.
Elle a écrit également de nombreux articles pour le magazine féminin ActivMag.
Son approche psychanalytique, et sa façon d’aborder la pleine conscience par exemple, (méthode d’entrainement mentale, qu’est-ce qui se passe quand cela se passe, être attentif au moment présent sans porter de jugement…) m’amène à vous partager certains de ses articles qui sont sources d’inspirations.
Vous pouvez retrouver des informations la concernant sur son site :
https://www.nolwennhuyart-blog.com
- Articles écrits par Nolwenn Huyart :
- Hypersensible et fière de l’être
- Comme un incendie -BURN-OUT (syndrome épuisement professionnel)
- La charge mentale pour les femmes
- Et si on arrêtait de se plaindre
- L’esprit du débutant
- La compassion en action
- Tous altruistes, Tous heureux
HYPERSENSIBLE ET FIÈRE DE L’ÊTRE !
AUX ÉTAS-UNIS, ON LES APPELLE LES HSP, HYGHLY SENSITIV PEOPLE.
C’EST DEVENU LE SUJET À LA MODE DES PSYS.
SUR INTERNET, IMPOSSIBLE D’ÉCHAPPER AUX FORUMS DE DISCUSSIONS SUR LE SUJET.
L’HYPERSENSIBILITÉ EST PARTOUT, ON NE LA RÉPRIME PLUS.
ON LA REVENDIQUE.
Ô monde cruel ! Vous regardez la 8ème saison de Desperate Housewives. Séparé de Lynette, Tom ne tarde pas à rencontrer une autre femme… Votre rythme cardiaque s’accélère, le nez vous pique, vous sentez le sanglot gonfler dans la gorge. La solitude de la pauvre Lynette gavée de crème glacée sur son canapé fait résonner la vôtre.
Vous craquez. Comme c’était déjà le cas, enfant, devant Les Animaux du Monde de Marlyse de la Grange.
La bonne nouvelle, c’est que votre empathie, votre petit côté « à fleur de peau », vous permettent de ressentir la souffrance du monde qui vous entoure.
La moins bonne, c’est que vous avez le sentiment d’être en permanence sur le fil.
Un baromètre émotionnel
L’hypersensibilité n’est pas une pathologie. Ouf ! C’est la célébrissime psychothérapeute américaine Élaine N. Aron, spécialiste du sujet, qui le dit. Plutôt un trait de caractère. L’hypersensibilité, en place dès la vie intra-utérine, se développe au cours des différentes étapes de l’enfance, selon si elle est traversée de traumatismes, ou soumise à la répression parentale. A l’âge adulte, de la colère à une profonde tristesse, puis tout à sa joie, l’hypersensible est en proie à des émotions intenses et changeantes. Les variations du baromètre émotionnel sont nombreuses, il lui est très difficile de rationaliser, c’est-à-dire de se ramener à la réalité de l’expérience et non à son interprétation subjective. Il n’y a pas de filtre dans l’hypersensibilité, tout est pris à cœur. Toutes les expériences de l’existence l’atteignent de plein fouet. La critique est vécue comme une blessure qui peinera à cicatriser, notamment à cause de ruminations qui ne cessent pas. D’ailleurs, les conflits sont fuis comme la peste, par peur de ne plus être aimé.
La plus grande menace est en effet la séparation, la fin, les changements drastiques.
En mode cerveau droit
Créatif et intuitif, l’hypersensible utilise à merveille, et plus que la moyenne, l’hémisphère droit de son cerveau.
Doué pour les arts, la création, il est aussi doté d’un sens aigu de la logique et son besoin de cohérence l’amène à être à la pointe de la réflexion, jusqu’à laisser derrière lui, en plan, ses collègues ou son entourage.
Prompt à chercher un peu plus loin, un peu plus profond, il est souvent fasciné par la spiritualité.
Haro sur les habitudes et la vie de patachon. Donner du sens à l’existence est le cap à suivre, toutes les nouvelles expériences originales et très émotionnelles sont les bienvenues.
Je ne suis pas malade !
Donc, comme il ne s’agit pas d’une pathologie, il n’y a rien à soigner ! Mais peut-être à gérer un peu pour se sentir mieux avec soi et avec le monde. La première règle est d’arrêter d’imaginer ce que les autres pensent de vous.
Vous êtes trop centré sur vous.
Faites preuve de plus d’empathie : que ressent-il ? que pense-t-il ?
Accepter tout de l’autre par peur de le perdre entraîne, à plus ou moins long terme, frustrations et déceptions.
Mieux vaut écouter ce qui semble être juste pour soi, sans avoir crainte de déplaire.
Attention aux autocritiques maintenant l’anxiété et cultivez plutôt la bienveillance.
Florence Meleo-Meyer*, est un de mes maîtres de méditation, m’a dit un jour : « l’émotion est là. Et c’est ok qu’elle soit là. Vraiment.
Tu peux même lui souhaiter la bienvenue et lui installer une bonne place à côté de toi. Mais sache qu’elle ne te résume pas. »
*Florence Meleo-Meyer, Directrice d’Oasis, Centre de formation pour la Mindfulness, Université de Massachusetts.
+ d’infos : « de chair et d’âmes » de Boris Cyrulnik – Ed Odile Jacob.
« Ces gens qui ont peur d’avoir peur : mieux comprendre l’hypersensibilité » de Élaine N. Aron – Ed de L’Homme.
COMME UN INCENDIE ! Le Burn-out
LE BURN-OUT, OU SYNDROME D’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL, EST EN PASSE DE DEVENIR « UN MAL DU SIÈCLE », ALORS QU’IL N’EST PAS ENCORE INSCRIT AU TABLEAU DES MALADIES PROFESSIONNELLES.
MAIS COMMENT PEUT-IL L’ETRE EN L’ABSENCE D’UNE DÉFINITION CLINIQUE CLAIRE ?
ET POURTANT, 3 MILLIONS DE FRANÇAIS SONT CONCERNÉS…
En janvier 2014, le cabinet Technologia a publié une étude portant sur le burn-out et les populations concernées.
En mettant en évidence un risque élevé de ce syndrome chez les actifs, l’enquête montre que 12,6 % des 1000 actifs interrogés y sont exposés. Les catégories les plus à risque étant les agriculteurs (23,5 %), suivis par les artisans/commerçants/chefs d’entreprise (19,7 %), puis les cadres (19 %). Viennent ensuite les ouvriers (13,2 %),
les professions intermédiaires (9,8 %) et les employés (6,8 %). Au total, en France, ce sont plus de 3 millions de personnes concernées avec des concentrations très fortes dans certaines professions.
Dans les pays (Pays vient du latin pagus qui désignait une subdivision territoriale et tribale d’étendue restreinte – de l’ordre de quelques centaines de km2 -, subdivision de la civitas gallo-romaine. Comme la civitas qui subsiste le plus souvent sous forme…) anglo-saxons, cet état est reconnu en tant que maladie. La maladie est une altération des fonctions ou de la santé d’un organisme vivant, animal ou végétal. Dans la catégorie des risques psychosociaux.
En France, il n’est ni considéré comme une maladie psychiatrique, ni registré dans aucune classification médicale.
Un médecin ne peut donc pas émettre de diagnostic de pathologie au sens strict du terme. Le 17 février dernier, Benoît Hamon et 83 députés présentaient une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour faire reconnaître le burn-out comme une maladie causée par le travail.
Un incendie intérieur
En 1969, c’est Harold Bradley qui a désigné́ le premier un stress particulier lié au travail. A New York, en 1974,
le psychanalyste Herbert J. Freudenberger, constate un syndrome d’épuisement chez les soignants bénévoles :
“En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendies, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte.” Il faudra attendre 1993 et la psychologue Christina Maslach pour qu’un test permettant de diagnostiquer le burn-out soit élaboré (Maslach Burn Out Inventory).
3 critères d’évaluation
Signifiant littéralement « griller » ou «se consumer », le burn-out dispose de trois critères diagnostiques.
Si l’ensemble de ces critères n’est pas réuni, on s’orientera plutôt vers une dépression.
Vidées, au bout du rouleau, ne pouvant se lever le matin ou s’écroulant sur leur table de travail, les personnes déclarant un burn-out font état d’un épuisement physique et mental.
Le deuxième critère est la dépersonnalisation. Comme carbonisés, sans émotion, on observe une perte d’empathie pour ses collègues, clients/patients et pour le monde en général.
Le troisième élément montre une remise en question de ses aptitudes et une chute du niveau de l’estime de soi. Tout cela se met en place de façon insidieuse, sur plusieurs mois, voire plusieurs années.
Le stress chronique est incriminé, comme la surcharge de travail, l’intensité des tâches, la valorisation de l’implication dans certaines entreprises, le déséquilibre entre vies professionnelle et personnelle. En effet, s’il est question d’une souffrance au travail, le burn-out révèle souvent aussi une problématique personnelle, à prendre en compte dans l’accompagnement du trouble. Si personne n’est à l’abri – ce n’est pas le fait de « personnes fragiles » – le burn-out concerne ceux qui sont dévoués à leur entreprise, très engagés dans leur travail, perfectionnistes ne comptant pas leurs heures. Ils carburent à la reconnaissance. Une vraie aubaine pour les entreprises qui les félicitent de leur rigueur et en profitent pour les charger plus…
Pour prévenir ou éviter la rechute, il faut reconsidérer sa façon de travailler : si certaines conditions de travail ne peuvent évoluer, il convient d’accepter qu’on ne puisse rien y faire et distinguer là où mettre de l’énergie.
Ou pas...
+ d’infos : « Burn-Out : le syndrome d’épuisement professionnel » de Christina Maslach-Ed. Les Arènes « Burnout : le détecter et le prévenir : Êtes-vous en burn-out sans le savoir ? » de Catherine Vasey-Ed. Jouvence
LA CHARGE MENTALE POUR LES FEMMES !
Mais fallait demander !
INTRODUIT EN SOCIOLOGIE DANS LES ANNEES 80, LE CONCEPT DE CHARGE MENTALE CONCERNE CELLES QUI ONT 10 BRAS, 6 JAMBES ET 3 TETES. DES SHIVA D’AUJOURD’HUI SWITCHANT ENTRE CHARGES ADMINISTRATIVES, TRAVAIL, TACHES MENAGERES … ET AUTRES. »
On a encore du chemin
Elles étaient 3 actives sur 100 en 2012, contre 1 homme actif sur 100, à se plaindre de souffrance psychique au travail. La « charge mentale », syndrome des femmes épuisées d’avoir à penser à tout, concerne aussi bien celles qui travaillent tout en menant une vie de famille que celles qui sont au foyer. Très souvent surchargées, elles n’ont que peu de temps pour elles voire pas du tout, elles doivent faire et penser à tout ce que leur conjoint ne gèrera jamais ou rarement. D’après l’INSEE, depuis 25 ans, les hommes s’occupent un peu plus de l’éducation des enfants mais leur participation aux tâches ménagères est restée stable, les femmes ayant en charge 71% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales. Selon l’Observatoire des inégalités, elles consacrent en moyenne 3h26 par jour aux tâches domestiques, contre 2 heures pour les hommes.
Être ici et ailleurs à la fois
La charge mentale se définit comme le fait de devoir penser à un domaine alors qu’on se trouve physiquement dans un autre. En 1984, la sociologue française Monique Haicault évoque le concept et développe la notion de « deux univers, l’univers professionnel et l’univers domestique, qui coexistent et empiètent l’un sur l’autre ». Nicole Brais, chercheuse de l’Université Laval de Québec, profile la charge mentale comme « un travail de gestion, d’organisation et de planification, à la fois intangible, incontournable et constant, et qui a pour objectifs la satisfaction des besoins de chacun et la bonne marche de la résidence. » Bref, il faut faire tourner la boutique ! En mai 2017, la BD d’Emma « Fallait demander » fait le buzz. Une planche culte résume la situation : « T’as pas fait la vaisselle ? » demande-t-elle face à l’évier débordant. « Bah, tu m’as pas demandé », répond-il depuis la pièce voisine. Parce que l’homme voit en la femme la cheffe de l’organisation logistique de la maison, il attend d’elle qu’elle dispatche les missions. Mais c’est justement ce « penser à … te dire … t’expliquer … te rappeler … » dont les femmes souffrent parce qu’il rajoute du poids à ce qui est déjà lourd.
Est-ce si important que cela ?
Plutôt que de dresser des « to do lists » aussi effrayantes qu’interminables, la psychiatre Aurélia Schneider propose une « did list » pour faire le compte rendu exact de toutes les choses faites jour après jour. Sa lecture en provoquera un petit choc, confrontée au « trop » de la journée qui passe pour du banal au quotidien. Autre antidote pour alléger la charge, déconstruire les croyances pour en reconstruire de nouvelles : en prenant tout d’abord conscience des conséquences (sur sa santé, notamment), il s’agit d’en finir avec le sacrifice, le perfectionnisme et la culpabilité, et de trouver le courage de dire qu’on n’a pas besoin de se faire aider mais de faire tourner la maison à deux. Attention aussi, aux fins de s’alléger, de ne pas trop anticiper, à force de tout vouloir contrôler on ne s’arrête jamais. Et puis, il y a un petit exercice de décentration dans le temps qui permet de relativiser : en se demandant quelle importance aura dans 5 ans cet événement ou cette tâche. Instructif !
Jean-Philippe Lachaux, neurobiologiste, suggère que « la charge mentale est un petit cadeau qui vient avec le fait d’être humain ». Messieurs, vous êtes donc aussi concernés !
Infos
– « La charge mentale des femmes … et celle des hommes » – Dr Aurélia Schneider-Ed. Larousse
– BD « Fallait demander » – Emma – www.emmaclit.com
ET SI J’ARRÊTAIS DE ME PLAINDRE ?
« J’AI DECIDE D’ETRE HEUREUX PARCE QUE C’EST BON POUR LA SANTÉ. » CELA DEVRAIT ÊTRE AUSSI SIMPLE QUE CETTE PENSÉE DE VOLTAIRE ET POURTANT LA PLAINTE, LE RESSASSEMENT, LA « RALE ATTITUDE » REMPORTENT UN FRANC SUCCÈS DANS NOTRE SOCIÉTÉ D’HUMAINS JAMAIS CONTENTS.
Pourquoi se plaint-on ?
En déchargeant nos émotions, on se sent mieux, c’est incontestable. Se plaindre, c’est légitimer notre souffrance et, souvent, justifier que l’autre, la vie, le monde sont les très grandes causes de notre situation. Incriminer quelque chose ou quelqu’un en dehors de soi est une façon de redorer son blason et de s’incarner victime. Et rien de tel qu’une bonne vieille coquille d’œuf sur la tête et le rabâchage d’un « c’est vraiment trop injuste » pour attirer l’attention et la compassion. François Roustang voit dans l’ego « une baudruche gonflée d’orgueil ».* Se plaindre sans cesse est un frein à notre évolution. En rendant les autres responsables, on oblitère que parfois il aurait mieux valu dire non que de se retrouver à garder le chien de sa voisine un long week-end de Pâques. Arrêter de se plaindre c’est commencer à grandir en se ressaisissant de son histoire personnelle.
Le cercle vicieux du pessimisme
Tout-de-même, comment ne pas être tragiquement touché par une femme racontant ses multiples échecs amoureux à cause des abus qu’elle a subis dans l’enfance ? mais comment aussi se donner la chance de vivre au présent, avec des projets d’avenir, quand on est enfermé dans le passé ? plus nous souffrons, nous nous plaignons. Et plus nous nous plaignons, plus nous souffrons. Des études américaines ont démontré que râler était aussi mauvais pour la santé psychique que physique, en tant que générateur de stress (altération immunitaire, risques cardiovasculaires, diabète, etc.) Le psychiatre Steven Parton explique que plus une pensée est utilisée, plus on y pensera facilement et régulièrement. « Le cerveau garde en mémoire les connexions que vous avez créées lors de vos pensées précédentes et simplifie leur trajet. » Ainsi, les boucles de pensées négatives se perpétuent, comme un cercle vicieux. « Cette situation arrive quand les synapses qui représentent le négatif sont plus proches et mieux connectées entre elles que celles qui traitent du positif. Naturellement, la pensée qui gagne est celle qui a le moins de distance à parcourir, et donc ici, c’est la négative » commente le Dr Parton. Bref, le pessimisme s’entraîne … .
Agissez !
Les pensées négatives influent sur notre humeur, comme les gens. Imaginez-vous entouré, lors d’une soirée, de personnes critiques, moqueuses, avec une certaine appétence pour les cancans. A moins de prendre ses jambes à son cou, contraint d’être à proximité de « jamais contents » peut influer sur notre personnalité. A grincheux ½, on devient alors grincheux à temps plein. Si bien s’entourer est essentiel, une reconnexion à soi-même, avec une autre vue, l’est tout autant : « Il y a quelqu’un en moi qui va bien et auquel je n’accorde pas une attention suffisante » explique François Roustang. Au lieu de se recroqueviller et se lamenter, il est recommandé de faire face et d’agir.
Il faudra penser à changer de travail si votre chef est pervers ou à s’arrêter quelque temps pour récupérer.
Biblio
* La fin de la plainte de François Roustang – Ed. Odile Jacob
L’ESPRIT DU DÉBUTANT !
« POUR SHOSHIN, L’ESPRIT DU DÉBUTANT, CHAQUE INSTANT EST NEUF, FRAIS ET PARTICULIER.
QUELLES QUE SOIENT LES CIRCONSTANCES EXTÉRIEURES. CETTE ATTITUDE NÉCESSITE DE GARDER UN ESPRIT CURIEUX ET OUVERT, COMME CELUI D’UN ENFANT. »
La coupe est pleine
Un célèbre maître de zen reçoit un jour la visite d’un homme qui déclare vouloir étudier avec lui. Le maître l’invite à boire le thé pendant que le visiteur lui expose son passé, lui décrit son cheminement spirituel, ses découvertes, ses réflexions et nomme les maîtres qu’il a côtoyés.
Le maître écoute patiemment et recommence à lui verser du thé dans sa tasse déjà pleine.
Celle-ci se remplit à ras bord et finit par déborder, le thé coulant tout autour. L’élève s’écrit alors :
« Que faites-vous ?! Ma tasse est déjà pleine ! » Et le maître lui répond « Comment voulez-vous qu’un enseignement pénètre votre esprit alors qu’il est déjà plein comme cette tasse ? ».
Notre expertise, ou notre expérience, nous permettent d’avancer et parfois de ne pas refaire les mêmes erreurs. Toutefois, la force des habitudes, du « su » et du « connu », nous limitent au point d’en perdre souvent notre capacité à être surpris. A cause du besoin irrésistible et humain de tout étiqueter, classifier, comparer, saisir, faire l’expérience du moment tel qu’il est, des personnes, des choses, des situations tels qu’ils sont, devient un vrai défi.
Rafraichir l’esprit
Le Maître Zen Shunryu Suzuki* explique que « dans l’esprit du débutant il y a de nombreuses possibilités, dans l’esprit de l’expert il y en a peu. Qu’est-ce qu’un esprit de débutant ? C’est un esprit ouvert, un esprit vide, un esprit prêt. » Si cette aptitude est nécessaire et est renforcée lors de la pratique méditative, elle est aussi nettement profitable à notre vie de tous les jours, et notamment dans nos relations. Nous avons l’habitude de « fonctionner » avec des opinions, des vues forgées au fil de notre existence, des certitudes et aussi des préjugés. L’esprit du débutant consiste à demeurer humble et curieux face à une circonstance qui, peut-être, reflète nombre d’aspects différents, selon notre façon de la percevoir. Plutôt que d’avoir des idées toutes faites à propos de notre collègue de travail ou notre voisin, nous essayons de nous laisser surprendre par quelque chose qu’on n’avait pas vu avant : au niveau physique, la couleur de ses yeux, mais aussi de découvrir une de ses capacités, voire qualités.
Avez-vous vu l’arbre ?
Avec le temps, nous prenons pour acquis ce qui fait partie de notre existence. L’esprit du débutant peut être cultivé à tout moment. Ce trajet empreinté tous les jours a-t-il tout montré ? En prêtant une attention aiguisée, on sera sans doute surpris de ne pas avoir remarqué jusqu’alors cet arbre poussant dans le talus. Les enfants font cela naturellement. Ils s’émerveillent d’un bâton ou d’un papillon, ils ont le pouvoir de contempler l’extraordinaire dans l’ordinaire en sortant de leur mode de faire machinal. L’aventure de la vie recèle, à tout moment, d’expériences que nous pouvons décider d’appréhender d’un certain point de vue ou d’un autre. La pratique méditative apprend à lâcher-prise, à renoncer au résultat en faisant l’expérience de ce qui apparaît tel que cela apparaît. Dans les épreuves de la vie, l’esprit du débutant est la possibilité de nous extraire de nos automatismes de pensée et de nos réactivités émotionnelles en faisant face à ce qui se présente, sans ajout.
Il s’agit de vider la tasse pour la remplir différemment.
Biblio : « Esprit zen, esprit neuf » de Shunryu Suzuki-Ed. Points Sagesses
LA COMPASSION EN ACTION !
« CONFUCIUS EXPLIQUAIT QUE SI NOUS CHERCHONS A NOUS FAIRE UNE PLACE, NOUS DEVONS EGALEMENT EN FAIRE UNE AUX AUTRES. SI NOUS SOUHAITONS POUR NOUS MÊME UN STATUT ET DU SUCCES, NOUS DEVONS NOUS ASSURER QUE LES AUTRES EN ONT AUSSI. * »
Souffrez en silence
Pendant son enfance, on apprend que la souffrance est mauvaise et qu’il faut l’éviter à tout prix. On finit alors par la considérer comme une chose insupportable, à fuir, à nier, à rejeter. On avale un antalgique au premier mal de tête, on consomme des biens et des substances pour se changer les idées. On enferme loin de nous dans des établissements spécialisés les gens différents, ceux qui sont âgés ou en fin de vie. Alors que ces souffrances nous concernent tous et que probablement, nous aurons à en traverser certaines, sinon toutes. Sharon Salzberg** raconte qu’au moment de la première campagne présidentielle de Ronald Reagan, on avait mis en valeur le modèle de la famille américaine, celle où il n’y avait ni souffrance, ni conflit. Sharon s’était alors étonnée : « Mais de quelle famille parlent-ils ? ».
Sérum antivieillissement
Pour témoigner de la compassion, il est donc au préalable nécessaire de reconnaître la souffrance. La sienne et celle des autres. Quand nous entrons en résonance, devant notre télé, avec la détresse des enfants au cœur des conflits au Moyen-Orient, nous ressentons leurs émotions, nous pouvons les comprendre, nous nous mettons à leur place, nous sommes emphatiques. Mais sans se connecter à des sentiments positifs reliés au fait d’agir d’une quelconque manière, « vous risquez d’en garder un sentiment de rage et de désespoir, ressassant l’injustice de cette vie », déclare le moine bouddhiste Matthieu Ricard***. La détresse emphatique fait des ravages : 60% du personnel soignant américain souffrent de Burn-Out. La compassion, elle, fait plutôt du bien. La pratiquer permet de produire 100% en plus de DHEA, l’hormone qui lutte contre le processus de vieillissement et de baisser de 23% notre taux de cortisol, l’hormone du stress. De plus, James House, de l’Université de Michigan, a démontré qu’agir pour le bien des autres augmente nettement l’espérance de vie et la vitalité générale. Notre système immunitaire s’en trouverait plus fort et notre moral meilleur, avec un accroissement des émotions positives et de la satisfaction personnelle ressentie.
Le quadrathlon du cœur
La compassion est un processus multidimensionnel reposant sur 4 éléments clés : la conscience, le fait de reconnaître la souffrance ; l’émotion, éprouver de la sollicitude et se sentir connecté à la souffrance de l’autre ;
la motivation, le souhait de la soulager ; l’action, la volonté d’agir. Ce processus est comparable à un quadrathlon. On ne peut pas dissocier les différentes étapes pour parvenir au but. Éprouver de la compassion dépend de notre capacité à ouvrir notre cœur et à reconnaître notre humanité partagée avec tous les êtres du monde.
Tous, sans discrimination. Alors que nous avons plutôt tendance à tout (et tous) passer au crible de l’évaluation limitante « j’aime/je n’aime pas ».
Elle dépend aussi de notre engagement à explorer, à accueillir et à accepter nos propres ombres.
Alors, nous pourrons rencontrer celle des autres. Vraiment.
TOUS ALTRUISTES, TOUS HEUREUX !
POUR NOS SOCIÉTÉS OCCIDENTALES TENDANT A SE REPLIER SUR ELLES-MÊMES, COMPÉTITIVES ET AUTARCIQUES, EST-CE QUE S’OCCUPER DES AUTRES, LEUR VENIR EN AIDE, ÊTRE GÉNÉREUX, A UN SENS
ET PEUT RENDRE HEUREUX ? ET VICE-VERSA ?
Choisir son bonheur
Nous aspirons tous au bonheur. Mais comment le trouver, le faire durer et aussi le définir ? Fort de nombreuses études –il n’a jamais autant intéressé la science- le bonheur se définit de deux façons : l’hédonisme, focalisé sur lui-même, et sa recherche du bien-être par le plaisir et la poursuite de certaines émotions, considère le bien-être comme le résultat de certains objectifs à atteindre. Une sorte de bonheur à court terme. Alors que l’eudémonisme, focalisé sur la communauté, et sa recherche du bien-être par la poursuite de sens, considère le bien-être comme un processus en lien avec des valeurs intérieures. Un bonheur au-delà d’un état temporel spécifique.
Un équilibre à trouver.
Pour le Bouddhisme, par la parole de Matthieu Ricard, la réponse est claire, simple, quoique exigeante : le bonheur ne se trouve pas à l’extérieur de nous, il invite à cesser de nous regarder nous-mêmes pour regarder en dedans de nous. Et là, nous pourrons renforcer nos aptitudes à la bienveillance et à l’altruisme.
Être bon rend heureux
L’homme est-il naturellement méchant ? Des études ont démontré que l’être humain fait preuve d’altruisme envers les personnes affichant la même appartenance identitaire que lui, et d’hostilité vis-à-vis des membres de groupes externes (théorie des endogroupes). Cela dit, l’altruisme possède un socle biologique, transmissible génétiquement et … évolutionnaire.
Donc il s’entraine et se développe. Pr Soyoung Park, de la Faculté de Médecine de Berlin, et ses collègues de Chicago et de Zürich, ont démontré que bonheur et générosité sont liés. 50 personnes ont reçu 23€/semaine pendant un mois. La moitié des sujets devaient dépenser cet argent pour eux-mêmes (aller au restaurant, se faire des cadeaux) et l’autre moitié devait l’utiliser pour son entourage (en les invitant à dîner ou en leur offrant quelque chose). Puis, ils devaient décider de donner ou non une certaine somme d’argent à une personne choisie. Les résultats ont été clairs : les personnes qui se sont engagées à dépenser leurs 23 euros pour autrui se sont montrées plus généreuses que les autres lors de la tâche de prise de décision et sont reparties du laboratoire plus heureuses. Nous disposons maintenant de preuves comportementales et neurologiques (jonction temporopariétale et stratum ventral sont liés) que donner rend simplement, et biologiquement, heureux.
Être heureux rend bon
L’inverse est-il vrai ? est-ce que, quand nous nous sentons heureux, nous sommes généreux ? Rebecca Shankland, psychologue et maître de conférence à l’université de Grenoble, rapporte* notamment que « les individus heureux sont plus enclins à réaliser des comportements prosociaux : venir en aide à une personne, s’impliquer bénévolement dans des associations et donner de l’argent. Des recherches expérimentales réalisées auprès d’enfants avaient déjà mis en évidence que lorsque l’on induisait des émotions positives chez les participants, en donnant des biscuits par exemple, ils étaient plus enclins à aider d’autres enfants. »
Le cercle vertueux est en marche : tous altruistes et tous heureux de l’être. Au travail !
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